Théorie de la religion (1948) – Georges Bataille
Rien, à vrai dire, ne nous est plus fermé que cette vie animale dont nous sommes issus. Rien n’est plus étranger à notre manière de penser que la terre au sein de l’univers silencieux et n’ayant ni le sens que l’homme donne aux choses, ni le non-sens des choses où nous voudrions les imaginer sans une conscience qui les réfléchisse. […] A nous représenter l’univers sans l’homme, l’univers où le regard de l’animal serait seul à s’ouvrir devant les choses, l’animal n’étant ni une chose, ni un homme, nous ne pouvons que susciter une vision où nous ne voyons rien, puisque l’objet de cette vision est un glissement allant des choses qui n’ont pas de sens si elles sont seules, au monde plein de sens impliqué par l’homme donnant à chaque chose le sien. C’est pourquoi nous ne pouvons décrire un tel objet d’une manière précise. Ou plutôt, la manière correcte d’en parler ne peut être ouvertement que poétique, en ce que la poésie ne décrit rien qui ne glisse à l’inconnaissable.